Peupliers
- “Peupliers”
- 1883-1884
- Crayon
- 24,3 x 31 cm
- ©
Georges Seurat dessine sans trait, en nuances d'ombres et de lumières. Tout est travaillé en clair-obscur. "Peupliers" est une scène d'extérieur exécutée à la lumière naturelle comme l'aimaient les impressionnistes, le thème même du peuplier a été représenté plusieurs fois notamment par Claude Monet. Le crayon gras a glissé sur la surface irrégulière du papier de fabrication Michallet dont les creux restent libres et deviennent alors source de lumière. C'est un jeu subtile de nuances de gris.
Dans cette esquisse, Seurat met en place les éléments constitutifs fondamentaux de l'oeuvre. La technique au crayon Conté permet les superpositions de noirs, de les rendre denses, et les effets de transparence, et ainsi de transcrire des formes évanescentes. Le paysage est suggéré, est-ce l'aube ou bien le crépuscule ? Seurat qui s'intéressait aux phénomènes de la lumière a lu les ouvrages de David Sutter « Les Phénomènes de la vision » et d’Odgen Rood « La théorie scientifique des couleurs ». Les ambiances créées par ces jeux de clair obscur témoignent de la sensibilité de l'artiste qui, au fur et à mesure de ses recherches, s'est peu à peu éloigné des idéaux académiques au profit de son expression personnelle.
Georges Seurat a illustré des poèmes de Paul Verlaine : « Fêtes galantes », « La bonne chanson », « Romances sans paroles », marquant ainsi sa sensibilité littéraire.
Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore
Charles Baudelaire, extrait du recueil La bonne chanson*
Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore,
Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien
Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,
C'en est fait à présent des funestes pensées,
C'en est fait des mauvais rêves, ah ! c'en est fait
Surtout de l'ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.
Arrière aussi les poings crispés et la colère
A propos des méchants et des sots rencontrés ;
Arrière la rancune abominable ! arrière
L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés !
Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D'une amour à la fois immortelle et première,
De par la grâce, le sourire et la bonté,
Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,
Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;
Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,
Vers le but où le sort dirigera mes pas,
Sans violence, sans remords et sans envie :
Ce sera le devoir heureux aux gais combats.
Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute ;
Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.
*Publiés pour la première fois en 1870, ces poèmes ont été inspirés par ses fiançailles avec Mathilde Mauté de Fleurville.
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Georges Seurat