Didier Hamey
Photos © Didier Hamey
Didier Hamey grave des rêveries enchantées. Il aime la fragilité des petites choses qu’il recueille dans la forêt ou sur les bords de mer et il les transforme en sculptures objets délicates et expressives. Le dessin suscitait son émoi mais c’est la gravure qui a attisé son inspiration. Modeste et joueur, l’artiste s’est approprié le plexiglas, polymère transparent, lisse et brillant avec lequel il “se bataille”. Il incise à la pointe sèche et donne vie à des scénettes intimistes sur de petites plaques. Il ne gomme pas, en gravure il n’y a pas de retour en arrière.
C’est l’improvisation qui guide le trait et la force de concentration qui parvient aux limites de son imagination pour mieux la mettre en images. Quand il se sent “dans l’impasse”, il accepte le temps de repos qui s’impose puis, de nouveau, s’attèle à la tâche. Il vit alors une longue histoire d’amour avec cette petite plaque qui composera un fragment seulement d’une histoire qu’il est le seul à connaître -ou peut-être qu’il ne connaît pas encore car elle appartient à son univers inconscient- et qu’il rassemblera en un tout unique et singulier.
L’artiste grave de petites créatures. Je crois bien qu’il les aime tel un magicien qui les fait surgir du néant et crée l’illusion pour notre plus grand ravissement. De ce point de vue, Didier Hamey a sans conteste du talent. “Je grave avec le sourire” nous dit-il, il ne prodigue que les “choses souriantes” et garde secrètes celles plus graves, et c’est bien ce qu’il nous offre : des gravures ravissantes aux titres enchanteurs, “Graine d’amour” ou “Turbulette”. C’est tout un vocabulaire à vous faire tourner la tête, l’attrait du manège qui nous grise et nous projette un instant dans un souvenir d'enfance.
Dans le coeur de Didier surgissent des trésors inestimables. Il est un autre Saint-Exupéry nous rappelant qu'“On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux”. Et tous ces petits riens peuvent donner davantage de bonheur que les exigences et besoins dispendieux. Regarder une gravure de Didier Hamey pour se le rappeler quand la tristesse vous aborde parce que vos vies sont trop étriquées, vides ou illusoires, ou que l’envie vous prend de vouloir subitement écraser tous les autres par une avidité à prétendre épancher insatisfactions, vanités ou orgueil.
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Les pains d’épices ressemblent à des tranches de gâteau autour desquelles se côtoient toutes sortes d’animaux. C’est une distraction qui éveille notre envie de jouer et qui sent bon le miel et la cannelle. Le papillon est caché dans la tranche du pain comme une fève qui fera de moi ou de toi le roi ou la reine et, dans l’attente de la surprise, je me réjouis à l’idée d’en manger un morceau. L’invitation se prête à la convivialité, peut-être est-ce lié à l’enfance de l’artiste qui reste très attaché à la ville de Dunkerque et aime tant participé à son festival ?
Le bestiaire qui s’enroule autour du pain d’épices est fait d’exotisme et de fantaisie, de végétal et d’animal, intérieur et extérieur, qui éveille notre curiosité et nous appelle à partager un moment de bonheur, à lâcher prise un instant avec notre quotidien et à jouer ensemble, lui et nous, nous et vous. Et dans une appréhension (aussi par expérience) que nous ne soyons pas attentifs à ce bel appel à la vie, tels des enfants pas très sages, Didier Hamey a augmenté les dimensions de ses gravures qui mesurent là 50 sur 60cm. C’est une part de féerie qui nous ramène aux contes de notre enfance pour mieux nous donner à rêver.
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© Didier Hamey 2014 "Garappa" Pointe sèche 28x32 cm
Les Amulettes sont de petits objets faits pour protéger et qui sont le plus souvent à porter sur soi (l’enlever ne peut que mettre en danger). S’ils ont parfois un rôle de porte-bonheur, ils peuvent aussi véhiculer des formules magiques dites “charmes” ou “sorts”, bonnes ou plutôt retorses (tout dépend des intentions de celui qui vous l’offre). “Mes amulettes, on ne les porte pas sur soi, mais on les a en nous. Ces êtres sacrés hantent notre quotidien, dans tout ce qui semble présent sans appartenir à notre monde.”
Didier Hamey construit en quelque sorte une boîte magique à partir d’une quantité indéfinie d’amulettes. A l’intérieur sont accumulés les charmes qu’il peut offrir à tout moment, ou bien que nous pouvons acquérir à condition d’y croire un peu et c’est là tout l’intérêt du jeu car nous sommes dans l’idée d’une association d’adeptes où l’art rassemble.
Les amulettes ont des pouvoirs limités, elles ne protègent en effet que ce contre quoi elles ont été conçues. Pour pouvoir protéger, il faut donc inventer autant de charmes qu’il existe de nécessités. Quand les amulettes représentent des divinités, on cherche à s’assurer leur bienveillance. Quand elles représentent des signes, elles prennent des significations spécifiques et ont alors des pouvoirs définis.
© Didier Hamey 2013 "Yaniri" Pointe sèche 28x32 cm
Les amulettes de Didier Hamey ont des noms japonais, elles sont comme exportées d’un lointain pays mystérieux et exotique : "Hizama", "Ijû", "Iyami", "Jami", "Kasha", "Momonjî", "Môryô", "Tanuki", "Nurunuru"... “Inspirées par l'univers des Yokaï japonais, elles incarnent des esprits, des fantômes, des démons familiers ou animaux fabuleux en métamorphoses.” Elles sont gravées à la pointe sèche sur plexiglas, puis imprimées en noir sur un Chine collé.
Cette série de gravures est finalement une étape logique dans la vie créative d’un artiste qui brise les frontières entre la réalité (petits objets trouvés) et le rêve (sculptures objets), étape précédée de son travail sur “Les chimères” (éd. 1854) de Gérard de Nerval composé de douze sonnets, inspirés des mythes antiques, et regroupé à la fin du recueil “Les filles du feu”. Ce livre a été publié en 1999 aux Editions Mille et une nuits.
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En 2014, Didier Hamey est invité pour la seconde fois par la Casa Velasquez à Madrid (en 2010, l’artiste avait réalisé ses Carnets de voyages d’Espagne). “J'ai abordé cette année à la Casa comme la possibilité de pouvoir travailler sur une série particulière autour de l'homme sauvage représenté dans certains carnavals rupestres du nord de l'Espagne.”
Cécile Bouscayrol