Huichahue, lieu de moutons

Daniel Lagos

• “Huichahue, lieu de moutons”
• 2008
• Xylographie
• 18 x 26 cm
• ©

Atmosphère versatile

Huichahue, lieu de moutons (en Mapudungun) est une oeuvre bucolique: Paysage serein, certes, mais non immobile car les lignes tracées à la gouge forment des vallons en relief, verts, verts bleus, roses. Au premier plan, le chemin est constitué d'un faisceau de lumière, de couleurs et d'ombre, qui lui confère une présence accrue. C'est par là que le regard découvre ce paysage, tel un pèlerin. Les lignes qui composent ce chemin naissent à l'angle droit de l'image et fuient vers l'horizon, au loin il n'est plus qu'un lacet qui longe les montagnes.

Des hachures forment des nuages tandis que la pluie est signifiée de deux manières : traits obliques d'épaisseur variable qui tombent dans un sens ou dans l'autre dans une contradiction qui suggère la versatilité de l'atmosphère. Serait-ce une indication pour situer la saison ? Cette scène pastorale semble se dérouler en fin d'automne car les arbres à feuilles caduques sont nus, ils ont été esquissés rapidement ce qui leur donne une dynamique qui participe à l'instabilité du moment.

Un attachement à la terre

Les arbres sont des araucarias, conifères aux feuillage vert foncé persistant, brillant, en écailles acérées. L'araucaria qui est aujourd'hui une espèce menacée est représenté en raison de sa silhouette esthétique, mais aussi parce qu'il symbolise l'attachement au patrimoine naturel chilien. Il est d'ailleurs considéré sacré par les descendants des mapuches ou "gens de la terre". L'Araucaria qui pousse très lentement peut atteindre, semble t-il, les mille ans de sorte que ces silhouettes longilignes transmettent également une notion de longévité. L'araucaria est en outre un arbre nourricier pourvoyeur de pignons dont les bogues lorsqu'elles sont bouillies servent à teindre la laine en rose pâle.

Aller plus loin en gravure

Chaque couche de couleur permet d'approcher une texture à laquelle Daniel a voulu donner une intensité picturale. Il développe une gamme chromatique qui donne à la gravure des possibilités d'expression inhabituelles, plus amples. Cette recherche répond au désir du graveur d'intégrer des qualités intrinsèques à la peinture et d'explorer les capacités inédites de la gravure en obtenant une image raffinée.

Cette xylographie a été gravée à matrice perdue, de sorte que le tirage est limité. C'est une caractéristique qui participe à la rareté d'une telle image, à la fois profonde et subtile.

Cécile Bouscayrol