Sur l'autre rive de la rivière
Alejandro Silva
Ejemplo de texto, del 21 agosto. Les habitants des hauts plateaux craignent que le projet ne les prive de leurs ressources en eau. | Chile/Cecile Bouscayrol
- “Sur l'autre rive de la rivière”
- 2006
- Xylographie
- 55 x 70 cm
- ©
Au prime abord, cette gravure représente une fête populaire et joyeuse. Le titre situe approximativement la scène, les stries horizontales devenant le flux de l'eau, qui pourrait se situer n'importe où dans le monde si Alejandro Silva n'avait pas introduit des éléments iconographiques qui sont autant d'indices.
Ce n'est pas le serpent, surgissant des jupes d'une Ève aux seins nus, ni même ses yeux doubles (de ceux que faisait Francis Picabia), qui captive notre attention mais ce que la danseuse agite de la main gauche. En évoquant la danse de la cueca, lors de laquelle el huaso et sa dame se courtisent agitant gracieusement de petits mouchoirs, Alejandro Silva relie la gravure à la tradition et au folklore chiliens. Vêtu d'un poncho, d'un pantalon évasé et brodé (rappelant ceux de l'Espagne), le danseur claque des talons au son des mélodies que joue le guitariste coiffé du chapeau rond andin*.
La lecture de l'image révèle peu à peu le double regard que porte l'artiste sur l'ambiance de la capitale, Santiago du Chili : austère et ennuyeuse, tellement animée « Sur l'autre rive de la rivière », celle du « Mapocho ». Doit-on y voir davantage ? Un sentiment d'appartenance identitaire plus profond, par exemple ?
Cette vision de célébration est aussi une ode au dieu de la vigne et du vin, Dionysos (Bacchus chez les romains). Une créature satyrique prend possession du corps de la femme allongée, nymphe nue aux paupières closes dont l'état d'ébriété ne fait pas de doute au vu des bouteilles qui jonchent le sol. Le visage du satyre est traité de manière particulièrement graphique, aux dimensions multiples rappelant les figures dessinées par Picasso, qui confère son style au travail artistique d'Alejandro Silva.
La cohérence de l'espace est habilement construite. La ligne cursive qui jaillit de la guitare, transformant son manche en fontaine d'oiseaux, relie le couple du premier plan à celui du second. À l'angle droit en haut, le toit de tuiles met à l'abri toute la maisonnée créant ainsi l'intimité de ce moment convivial, tandis que la chevelure de la danseuse, évoquant la nuit étoilée, donne à l'image sa dimension cosmique. C'est là toute la magie des gravures de l'artiste, conteur à ses heures.
*En laine feutrée. Il se distingue du chullu ou lluchu tricoté en alpaca avec cache-oreilles.