Dans la mesure du possible

Alejandro Silva

• “« Dans la mesure du possible »”
• 2016
• Xylographie (4 matrices)
• 77x110 cm
• ©

« Dans la mesure du possible » est une expression devenue fameuse au Chili sous le Gouvernement précédant la dictature militaire d'Auguste Pinochet. En 1990, le mandat est assumé par Patricio Alywin*, dans l'attente que ce changement soit un progrès radical pour la démocratie. Alywin utilisa « dans la mesure du possible » pour se référer à la lenteur des progrès sur la voie de la démocratie au Chili après dix-sept ans de régime militaire. Après cet épisode, « autant que possible » devient une icône du système « démocratique » du Chili, où les questions de la Justice et des Droits Humains se feront « dans la mesure du possible ».

Dans ce contexte se situe cette œuvre qui représente une Justice abusée par quatre cochons. La Justice est représentée sous sa forme classique, où elle est vêtue d'une toge ou tunique gréco-romaine, dans la tradition des déesses classiques. est également accompagnée de deux attributs : la balance et l'épée. La balance est en lien avec le processus rationnel où trop de poids d'un côté fera incliner son verdict vers innocent ou coupable. L'épée est un signe historique de l'autorité, attribué aux rois et les empereurs, c'est-à-dire, l'épée est l'un des plus anciens symboles de la justice, car il est applicable par le pouvoir qui porte le coup de cet instrument. Les cochons représentent les employeurs qui insultent à la justice, nous les voyons en habits abuser d'une femme irréprochable avant ces outrages.

Cette gravure est influencée par l'Art Nouveau, figurant essentiellement en fond de scène par la présence d'éléments ornementaux et clairement esthétiques. Cependant, « Dans la mesure du possible » est une œuvre qui permet un jeu esthétique en lien avec un thème beaucoup plus profond, l'impartialité et l'injustice politico-social. La justice dépendra d'autres facteurs et, plus littéralement, de ces petits cochons qui l'empêchent de s'appliquer comme il se doit.

Alejandro Silva

*« Un des premiers gestes du président Aylwin fut la création d’une Commission nationale vérité et réconciliation, dite commission Rettig (du nom de son responsable), chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises par les militaires, après le putsch du 11 septembre 1973 qui renversa le président socialiste Salvador Allende.
« Comme président de la République, je me permets d’assumer la représentation de la nation tout entière pour, en son nom, demander pardon aux familles des victimes »,déclara Patricio Aylwin, en mars 1991, au moment de révéler les premiers chiffres officiels des milliers de victimes de la répression.
On lui a néanmoins reproché de ne pas avoir condamné plus fermement les crimes commis, au nom de la réconciliation nationale. Les conclusions de la commission furent négociées entre militaires et membres de la Concertation, et ne révélèrent aucun nom des coupables. « Il y aura justice dans la mesure du possible », avait admis le président Aylwin.
(…) Patricio Aylwin Azocar était né le 26 novembre 1918 à Viña del Mar, station balnéaire à 120 km de Santiago. Diplômé en droit de l’université du Chili, Patricio Aylwin a débuté sa carrière politique en 1945 comme secrétaire de la Cour suprême. Douze ans plus tard, en 1957, il participa à la fondation du Parti démocrate-chrétien (centre), dont il fut le président à six reprises. En 1971, en tant que président du Sénat, il devint le porte-parole de l’opposition au gouvernement d’union de la gauche présidé par Salvador Allende. »
Le Monde du 19/04/2016, par Christine Legrand