Erna Alfaro, le miroir et la vague
La voix de Gabriela Mistral a, dans la poésie chilienne, une marque très particulière. C'est la chanson de la pierre et de son flux naturel de la falaise à la vallée. Là y a au moins deux valeurs essentielles pour la poésie. Celle de la vague syntaxique, et celle du miroir, qui comporte la photographie et l'image dans la conscience pour délivrer leurs significations en une seule trame. C'est ce nomme Johannes Pfeiffer le son et le sens.
GM (Editorial Cuarto Propio, Santiago, 2003) le texte d'Erna Alfaro, s'intègre dans cette écriture au-delà d'un simple hommage et, bien sûr, au-delà de la reconnaissance ou d'une recherche de l'influence mistralienne . Erna veut être Gabriela, ou plutôt, l'écriture à travers de sa propre écriture.
Et pourquoi la prendre comme un modèle? La réponse immédiate, la plus facile, est de montrer que Gabriela Mistral est une icône du féminisme austral comme Frida Kahlo l'a été depuis l'Amérique latine. Ou que son immense poésie a été arrachée du canal naturel pour la classer, plus jamais, en tant que poésie de femmes, et il est nécessaire de mettre les choses en place.
Erna Alfaro, souligne à partir de l'épigraphe, la condition de déracinement montrée dans l'oeuvre mistralienne. Dans l'un des textes les plus intenses de la poétesse, l'étrangère. Erna a pratiqué l'art d'écrire depuis un certain temps. Grâce à son expérience à l'École des Beaux-Arts de Viña del Mar, et son long séjour au Brésil, on la connaissait comme graveur, un nom dans une promotion croisée de l'histoire et des adieux. Peut-être est-ce pour cela que son écriture contient ce développement esthétique si difficile à trouver dans un livre inaugural.
Il y a en elle un flux intense, que montrent respiration et circulation en tant que corps de l'écriture. Au moins, elle l'indique dans le deuxième épigrphe, aussi de Gabriela: j'entre dans ma maison de pierre / avec les cheveux jadeantes / ivres, ajenos et durs / de l'Air. Là est la clé de la poésie, la nature phonique du mot chantant montré dès son premier emploi: d'un village perdu. De là vient (...) quelques constructions exquises. En lui elle réaffirme la condition permanente de l'étrangère en le liant au miroir de la parole, le Montegrande du Chili avec les couleurs du Mexique, des exotiques plantes à feuilles larges, splendeur des serpents et du jaguar.
Le poète jouit du langage, le traverse pour se fondre dans les significations attentives à sauter aux yeux du lecteur, sur le scénario préparé pour cela. Gabriela est un enfant errant dans un rêve, elle murmure pour profiter de la syllabe accentuée, la syllabe consonante qui marque le rythme dans ce silence et de une lumière du Nord.
Il y a une image envoutante dans son travail : GM, la situe à peine, le logo de cet idéal recherché dans son écriture, pourrait être la métaphore nous transmettant leur expérience intérieure ou la mémoire de cellle-ci. Toute l'écriture est mémoire, la mémoire des yeux, mémoire de l'image reproduite et tolérée comme un souvenir. C'est peut-être, pour ce lecteur, la ressource utilisée. Plus directement la Mistral, dans ce travail, est un symbole d'elle-même, graphie d'un germe qu'elle reconnait comme gestion de vie. Ce n'est pas que le symbole Gabriela soit Erna mais bien plutôt volonté scriptural dans ce travail : Mais pas tant, pas tant (...) Il n'y a pas une petite feuille de plantain, ni de boldo, ni une colombe volant, rien, précise t-elle.
Gabriela, alors, devient le miroir où Erna aimerait voir, voudrait se voir. Comme nous l'avons dit, elle sent que son corps commence avec tous les mots rassemblés pour cet enfant encore. Il existe une entité au-delà du réel, une alternative du non réalisé, tel que le fils suicidaire de Gabriela ou les mots Yin Yin pour percer ce corps de pierre et silence.
Erna Alfaro GM nous propose dans GM un regard sur l'éthique, un passage à la racine de la syntaxe -de toutes les paroles que l'œil atteint en cet instant- pour comprendre le monde et nous comprendre. C'est une conception profondément moderniste dans l'opposition, s'entend, à l'effluve postmoderne du tout vaut, du tout est poème et, encore mieux si elle s'écarte du poétique.
Germe et matière, pourrait s'annoncer selon le titre de ce travail, ou un gène et une femme. La parfaite harmonie que réalise son auteur, est un élément d'appréciation, peut-être trop important pour les postulats de la deuxième voix que ses collègues latino-américains sauvent actuellement. Mais on peut aussi réclamer de la poésie, cette harmonie existe comme un élément précipitateur entre son et sens, comme un chant et une idée et perfection du message en même temps. C'est le poème, bien que, dans l'immédiat, l'élément terre qu'elle signale s'installe dans son discours dès le titre.
Biographie sommaire
Erna Alfaro, artiste plasticienne, rejoint le groupe Pierre, de l'ancien Institut pédagogique de l'Université du Chili à Valparaiso, avec Nelson Osorio et Eduardo Embry, entre autres. A publi é Sergio Rojas / Xylographies (chronique, 2002) et GM (poésie, 2003). Actuellement, elle réside au Brésil. Qui vivent actuellement au Brésil.
Marqueurs
- Erna Alfaro