Rue Furstenberg
Photo Moving-art.net © 6, rue Furstenberg, Paris
Une visite au 6 de la rue Furstenberg, situé dans le sixième arrondissement de Paris, permet une approche unique de l'artiste Eugène Delacroix (1798-1863). Car même si le lieu paraît quelque peu suranné, sombre en raison de l'éclairage adapté à la fragilité des documents, la collection inclut de nombreux documents, dessins, peintures et autres objets ayant appartenu à l'artiste.
Aux murs du spacieux atelier ont été accrochées des peintures à l'huile. Plusieurs vitrines proposent de découvrir des objets rapportés du Maroc. Leur diversité marque la grande curiosité de l'artiste quant aux pays lointains où il séjourna parfois. Ses carnets de croquis sont par ailleurs connus et ont été publiés. L'aquarelle fut une technique qu'il pratiqua assidûment, elle anticipait la réalisation de peintures sur toile. Cette pratique du carnet de voyage a participé au développement d'une créativité cognitive avide d'exotisme.
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L'artiste, qui accompagnait de janvier à juillet 1832 le comte de Mornay dans sa mission diplomatique auprès du sultan Abd er-Raman, a rapporté du Maroc une collection personnelle, inclus quelques meubles tel que ce coffre sundouk du XVIII siècle, en bois sculpté et peint.
Les objets rapportés par Eugène Delacroix de son voyage au Maroc de janvier à juin 1832 ont été légués au peintre orientaliste Charles Cournault (1815-1914). De nombreux artistes ont été séduits par cette disposition à l'ethnologie et ont dès lors adopté la pratique du carnet de voyage générant une documentation patrimoniale souvent irremplaçable.
Sur un chevalet a été placé un portrait de sa majesté le roi de Westpalie par Théodore Géricault (1791-1824) d'après Antoine-Jean Gros (1771-1835). Théodore Géricault et Eugène Delacroix ont été, tous deux, élèves du peintre Pierre Narcisse Guérin (1774-1833).
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Le regard du peintre sur la communauté des Natchez, amérindiens qui vivaient dans le Mississipi, est tout aussi remarquable. Il témoigne en effet d'un esprit d'érudition qui peut inviter à s'interroger sur le bien fondé de guerres françaises (1754-63) qui menèrent à l'expropriation d'une partie des terres de ce peuple au profit de plantations et le contraignant à se disperser ou à être vendus comme esclaves.
Eugène Delacroix 1835 "Les Natchez" Peinture à l'huile 90.2 x 116.8 cm Metropolitan Museum of Arts
L'étude du tableau “Les Natchez” a été exposée au Salon de 1835, elle se réfère aussi au roman (récit de voyage) de Chateaubriand publié en 1826 (plus de trente ans après avoir été écrite). La peinture d'Eugène Delacroix fait partie des collections du Metropolitan Museum. Près du fleuve Mississipi, un couple de jeunes parents regardent avec attendrissement leur enfant nouveau né. Eugène Delacroix appréhende le Nouveau Monde tel un lieu vierge de corruption, un jardin paradisiaque où l'homme européen peut se régénérer. C'est une représentation rousseauiste en opposition avec la description que donne l'écrivain des scènes de crimes.
“A l'ombre des forêts américaines, je veux chanter des airs de la solitude tels que n'en ont point encore entendu des oreilles mortelles ; je veux raconter vos malheurs, ô Natchez ! ô nation de la Louisiane ! Dont il ne reste plus que les souvenirs. Les infortunes d'un obscur habitant des bois auraient−elles moins de droits à nos pleurs que celles des autres hommes ? et les mausolées des rois dans nos temples sont−ils plus touchants que le tombeau d'un Indien sous le chêne de sa patrie ?” Extrait du Livre I, Chateaubriand.
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Le musée de la rue Furstenberg conserve plusieurs objets et meubles d'atelier ayant appartenu à Eugène Delacroix, ainsi deux tables à peinture, l'une en acajou et l'autre en chêne, dans lesquelles il rangeait ses godets et peintures. Un petit nuancier témoigne d'essais de couleurs à l'aquarelle, encre grise et graphite. Tout aussi émouvante est sa palette qui porte encore une combinaison de tons soigneusement préparés.
Le maître de la couleur a réalisé une quantité insoupçonnée de dessins, trouvés à sa mort : plus de huit mille, rue de Furstenber, et plus d'un millier dans sa maison de Champrosay. Adolphe Moreau (1849-1853) valorisa sa collection en faisant tirer, à partir de dessins à la plume, des lithographies qu'il donna. L'un des dessins, présenté au Salon de 1822, au musée du Louvre, révèle des hésitations, travail de recherche des positions des protagonistes de la scène. Des lettres, des photographies et des bustes participent aussi à créer une approche sensible de la vie créative d'Eugène Delacroix.
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Cécile Bouscayrol