Le dessin

Víctor Femenías © 2010 Crabe - Graphite

Tous ceux qui se dédient à ce métier rencontrent de grandes limitations. Je n'aime pas dessiner des compositions avec beaucoup de personnages pour raconter une histoire. Au contraire, dans ces déjà presque 57 ans dédiés aux arts plastiques et principalement au Dessin, j'ai ressenti une forte prédilection pour le dessin de visages, dans son infinie variété de types, expressions, gestes et grimaces. M'intéresse aussi dessiner des objets, animaux, plantes et choses en général. Ce n'est pas que je sois incapable de dessin une configuration de figures humaines et que je n'affronterais un jour le défi mais je sens une véritable attirance inconsciente pour portraiturer et dessiner les gens et les choses. Quand je rencontre une personne pour la première fois je l'observe pour voir comment je pourrais la dessiner et je ne prete guère d'attention à autre chose. Je considère que le dessin basé sur l'observation directe du naturel, est d'une importance maximale en arts plastiques parce que c'est à travers lui que l'on peut arriver à l'imposible, c'est à dire, trouver le nouveau ou inédit.

Víctor Femenías © 2012 Jessy II - Graphite

C'est une discipline qui requiert une incessante pratique pour obtenir le maximum d'expressivité avec des ressources aussi minimales que sont le crayon et le papier. Cette économie de ressources oblige à une sorte d'emphase dans l'élaboration de la forme car il manque de moyens effectifs pour réussir une forte impression, en gravure on utilise à profusion le noir intense afin de dramatiser mais avec le graphite il n'y a rien de tel, aussi, si l'on souhaite exprimer le drame, il faut exagérer, diminuer u omettre des éléments. Cette difficulté ou limitation est le meilleur moteur de créativité et oblige à trouver le maximum de vol poétique possible. Beaucoup de littérature, rhétorique et intellectualisme parlent des arts plastiques mais très peu ou presque rien concernant la créativité artistique, principalement parce que elle n'a pas été étudiée de manière exhaustive puisque elle contient des éléments aléatoires qui ne sont pas sujets à la pensée causale moyenne et ne sont donc pas communicables ou indicibles dans le langage commun. Le hasard ou improvisation est le principal élément de la créativité et une petite métaphore peut aider à expliquer le phénomène du processus créative. Tout le monde sait comment se forme une perle. Quand accidentellement pénètre un grain de sable entre les valves de l'huître, celle-ci crée un kyste et des quantités d'un mucus doux et épais, qui durcit couche après couche microscopique sur la dérangeante et irritante intrusion jusqu'à ce qu'elle se convertisse en une petite sphère d'une parfaite beauté. Grâce au hasard.

Víctor Femenías © 2013 Blondy - Graphite

De la même manière, il y a des images qui, subitement, émergent de l' inconscient avec un frisson produit du fait d'avoir vu quelque chose qui absorbe toute notre attention et qui "s'incruste" dans l'ame et tout en essayant de transcrire et réaliser cette image en un dessin, peinture ou gravure, en un libre jeu dans lequel il n'y a rien à gagner et rien à perdre, on vit une inquiétude, frustré et "étouffé" par l'intrusion qui agit comme une obsession et qui peut devenir jusqu'à une priorité sur tout le reste, mais quand, finalement, nous réussissons à mener le travail, trouvant une solution adéquate, rendant visible l'invisible, nous ressentons une joie indescriptible qui fait que toute la vigilance, l'engagement, le sacrifice et l'effort valaient la peine et nous pouvons revenir, renouvelés et triomphants, après cette aventure extatique, au quotidien et ennuyeuse réalité parce que nous avons appris et fait quelque chose de nouveau et inédit. Que le résultat soit bon ou mauvais c'est une autre histoire et il ne nous appartient pas d'en juger. Parfois ce processus peut prendre des années.