Hommage
Voulant s'éloigner peut-être, de certaines turbulences hermétiques de l'art du moment et du « toujours plus vite» « toujours plus neuf » imposés par nos nouveaux regards zappeurs, les artistes graveurs se sont donné le courage de prendre le temps .
Le temps de l'apprentissage, le temps de l'exécution, le temps du recommencement. Enfin, ... le temps d'une écriture... A travers leurs actes créateurs ils veulent se protéger et nous protéger. Un sens profond anime tout cela, une sagesse entreprenante, communicative. Ces artistes veulent préserver leurs parts d'autonomie, d’authenticité, de liberté intellectuelle qui se gagnent dans l'effort, le plaisir et l'humilité. Vaste posture qui va, de la jubilation de l'enfant qui grave sur la plage mouillée une trace éphémère, dans la magie du jeu... à la solitude de l'écrivain qui, seul devant sa feuille blanche, cherche à nous dire qu'il ne peut continuer à vivre sans nous, sans nos mémoires, sans nouvelles inquiétudes à surmonter.
Ne nous y trompons pas, malgré l’usage revisité des techniques ancestrales, ces artistes sont ancrés dans leur temps, sans amertume, sans nostalgie, ils sont dans leur modernité créatrice. Ils s'aventurent sur des pistes à risques, souvent décriées. Ils sont ballottés entre les doutes, des déconvenues, les choix à faire, le renoncement envisagé et cette discrète étincelle intérieure de l’achèvement pour laquelle ils persévèrent.
II y a là une dimension morale et de la vaillance à oser s'exprimer aujourd'hui par le dessin et sa forme pérenne : la gravure.
Ici, on ne peut pas tricher, une faiblesse se détecte par l'intelligence d'un bref regard, loin des effets pièges des spectacles.
Depuis des années, avec pugnacité, ces artistes tracent sur le papier et dans le métal, des signes, des formes, des matières, des petites mises en scènes. Ils échafaudent des imaginaires déroutants, ils trouvent des émotions subtiles dans une ambiance de laboratoire, sans faillir. Ils dessinent, gravent, dessinent et gravent encore alors que tout est aujourd’hui possible, ils récidivent.
Remercions-les, pour la générosité d'un dessin, l'opiniâtreté d'une gravure et, espérons-le, pour ces quelques émotions qui éveilleront en nous le besoin de construire un monde de probité et de poésie.
Empreintes de l’artiste, marques profondes du positif et du négatif, du blanc et du noir, de la matière et de l’esprit, de l’ombre et de la lumière, de la caresse et de la griffure, de l’unique et du multiple, de la passion sensuelle de l’encre et du papier, des parfums d’encres, d’essences et d’acides, la gravure mobilise l’équilibre de nos sens.
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